Quatre artistes venus de l’ouest français montent sur scène avec un même appétit : raconter Le Gang de la clef à moletteet y glisser un peu de leurs propres paysages intérieurs. Leur terrain de jeu : un récit hybride où narration et musique se répondent autant qu’elles se superposent.
Sébastien condense les 450 pages du roman en une parole vive, subjective, parfois traversée de commentaires ou de petites dérives inspirées par les personnages. Le texte change de forme au fil du spectacle : oralité brute, éclats poétiques, extraits lus, chansons… comme pour embrasser la densité et les variations du livre.
Entre les lignes du récit, affleurent des fragments de leur histoire personnelle : un western qui rappelle les bals populaires mayennais, des territoires abîmés qui évoquent les ravages du remembrement, et l’ombre portée de la pop culture américaine qui a façonné leurs imaginaires d’enfants dans une campagne où la télévision faisait office de fenêtre sur le monde. Le roman, nourri d’un imaginaire très masculin, offre aussi matière à jouer avec ce regard d’aujourd’hui, avec tendresse et recul.
Le trio Grand Hôtel partage le plateau avec Sébastien. Guitare folk, violon et trompette mariachi convoquent l’esprit des bandes originales de western et soufflent une épopée sonore qui sert autant de décor que de voix narrative. Sound design, thème musical récurrent et moments interactifs — le public est invité à chanter — contribuent à l’immersion. Les musiciens manipulent aussi des accessoires à vue, dont une carte du sud-ouest américain, comme un guide de voyage en direct.
La réédition récente du roman (Gallmeister, 2024) rappelle combien ses thématiques — écologie, désobéissance civile, attachement viscéral à un coin de terre — résonnent aujourd’hui. Ce qui a touché l’équipe, au-delà des poursuites dans les canyons, c’est cette manière d’assumer un ancrage « rural », cette fierté calme d’être issus d’un territoire souvent regardé de haut mais riche en forces tranquilles.
Ces chemins venus de la boue plutôt que du marbre, ils les revendiquent : non pour les magnifier, mais pour en faire une matière vivante — musicale, poétique, humaine.
Sébastien Rousselet voix
Pierre Lefeuvre voix, guitare
Jérémy Frère voix, violon, machines
François Dense voix, harmonica, trompette
Nicolas Bonneau – mise en scène
Fanny Cheriaux – regard musical extérieur
Production
La Familia
Avec le soutien en création du TNB à Rennes et du Théâtre de Laval
© La Familia

